Mon enfant qui a fait un AVC

Voici l’histoire de Catherine et Justin

Vous savez lorsqu’on tombe enceinte, les gens nous souhaitent souvent, si ce n’est pas presque toujours, d’avoir un bébé en santé. Je le souhaite à toutes celles que je connais qui ont la chance de porter la vie. Souhaiter d’avoir un enfant en santé semble banal, mais pour moi, ce souhait a pris tout son sens lorsque j’ai accouché de mon premier fils le 16 juin 2014.

Je tiens ici à en rassurer plusieurs. Le cas de mon fils est RARE. Justin est un enfant de tout ce qu’il y a de plus normal. Personne ne pourrait dire qu’il a fait un AVC. Il a des petites lacunes au niveau du langage et de la motricité fine qui sont présentement travaillés dans un centre de réadaptation. Il vit la vie d’un garçon de 6 ans. Un vrai petit miracle sur deux pattes!

Voici pourquoi.

J’avais 20 ans lorsque j’ai eu mon premier bébé. Ça faisait un peu plus d’un an que j’étais avec mon amoureux. Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu des enfants. Justin n’était pas prévu aussi rapidement dans notre relation, mais il était là pour rester. Nous étions prêts et nous avions confiance en notre couple et en notre capacité à être parent. Je n’avais presque pas de symptômes désagréables de femmes enceintes. Aucun mal de cœurs, je pouvais aller marcher des 5km avec mon chien sans problèmes. Le bébé grandissait bien dans mon ventre et les échographies étaient toutes belles: une vraie grossesse de rêve. Je n’ai pas eu un gros ventre non plus. Mon médecin était certain que tout allait bien. Je prenais du poids et mon ventre grossissait. J’ai commencé à avoir des contractions seulement deux jours avant d’accoucher. En me levant pour changer de position, j’ai perdu mes eaux. SURPRISE!

Il est 7h lorsque nous arrivons à l’hôpital et je suis déjà ouverte à 1cm. On me dit aussi que vu que c’est un premier bébé, le travail peut être long. Mon amoureux fait un travail formidable avec moi. Il me supporte et me réconforte.

En regardant l’horloge dans ma chambre, il est 13h. Mon infirmière est partie dîner. C’est à ce moment que je sens le changement. Je sens que les contractions sont totalement différentes. Ça pousse! Mon homme sort de la chambre et va chercher notre infirmière. Il en croise une au poste. Il l’informe du fait que j’ai l’impression que ça pousse et lui demande de venir me voir. Dans un premier temps, elle refuse en disant à mon conjoint qu’elle n’est pas mon infirmière. Lorsqu’il se fait plus insistant, elle vient me voir. Je lui dis que quelque chose a changé. Elle met une paire de gants et vérifie. En voyant son visage, je peux voir la panique dans ses yeux. À peine elle avait mis ses doigts, qu’elle sentait la tête du bébé. La vitesse à laquelle elle a tout placé dans la chambre était impressionnante. Tout s’est fait extrêmement rapidement. Le médecin était tellement drôle. Il me disait que ce serait les 20 prochaines années les plus durs, et non l’accouchement. Il était trop tard pour la péridurale. À ma première poussée, on voyait déjà sa tête. L’équipe médicale me dit que ce ne sera pas long avant qu’il soit sorti. Ils avaient raison, en six poussées, il était là!

Étrangement, il n’y avait pas de pleurs, aucun son. Rien!!! En regardant mon garçon, il a les deux yeux grands ouverts. La panique se fait ressentir dans la salle d’accouchement. Mon fils ne respire pas. Après avoir coupé le cordon ombilical, quelques infirmières et mon conjoint partent dans une autre salle. Les minutes semblent durée des heures. Personne ne pouvait me dire si mon fils allait bien. Lorsque mon homme est enfin revenu avec notre nouveau-né dans les bras, j’étais soulagée. Je pouvais le voir respirer. Nous avons décidé de lui donner le prénom de Justin. Il était si petit, mais incroyablement magnifique. Le bonheur fut de courte durée. Justin avait des difficultés respiratoires, il avait besoin d’assistance. J’ai pu le revoir seulement 2h plus tard. Il était couché sur une table, entouré de moniteurs et de quelques membres du personnel. J’ai eu un choc en le voyant, uni d’un masque qui recouvrait sa petite bouche et son petit nez. Aucune mère ne veut voir son bébé comme ça. On me prévient qu’une équipe ambulatoire de l’hôpital Sainte-Justine est sur le point d’arriver, parce que mon fils ne garde pas sa saturation. L’équipe arrive, il dégage les voies respiratoires de Justin et repart. On m’envoie me reposer, parce que j’oubliais que je venais d’accoucher.

Dans la soirée, vers 21h, la pédiatre de l’unité des naissances nous demande auprès de notre bébé. Elle nous dit qu’ils ont constaté que Justin avait des mouvements incontrôlés avec son bras et sa jambe gauches, que c’étaient des convulsions et qu’il avait reçu une dose d’un antiépileptique. Malgré tous ses efforts, mon fils serait transféré au CHU Sainte-Justine dans la nuit. À ce moment précis, mon cœur se brise en mille morceaux et je vois, en regardant les yeux de mon amoureux, que le sien aussi vient de se briser. Je crois que le plus dur a été le fait de voir mon enfant, que j’avais pris une seule fois, partir dans un incubateur avec des inconnus sans pouvoir le suivre.

J’ai pu sortir tôt le lendemain. J’avais une seule envie, de voir Justin. Mon conjoint était parti le rejoindre à l’hôpital. À son retour, j’ai su tout de suite que ce qu’il avait à me dire ne serait pas joyeux. Il se lance; « Minou, Justin a fait un AVC (Accident Vasculaire Cérébrale) ! Je viens de rencontrer le néonatalogiste, le cardiologue, l’hématologue, et le neurologue. On doit y retourner afin qu’il t’explique tout ça. » À ce moment précis, mon cerveau est tombé en mode veille. Les informations entraient par une oreille et sortaient par l’autre. Sur les dix jours qu’ont durée son hospitalisation, j’en ai pleuré cinq. Tout ce que je faisais, c’était de flatter son petit bras au travers l’incubateur. La culpabilité est montée en moi. Il a fallu que mon homme me brasse la cage pour que je me réveille et que j’écoute ce qu’on me disait. Je lui en remercie, parce que franchement, j’en avais grandement besoin. J’ai pu le prendre au bout de six jours. Quel sentiment incroyable! Je ne voulais plus le lâcher.

Nous avons eu notre congé le 25 juin. On courait presque avec le siège d’auto pour être sûr qu’ils ne nous rattrapent pas! Nous étions si heureux de pouvoir enfin pouvoir le ramener avec nous à la maison.

Rien n’était sûr pour Justin et son avenir. Les spécialistes nous avaient dit que notre fils pourrait être aveugle, paralyser du côté gauche et peut-être qu’il pourrait avoir une paralysie cérébrale. On devait lui donner de la médication contre ses convulsions chaque jour. On devait retourner faire des tests en neurologie et en hématologie. Nous étions positifs, nous étions prêts à tout lui donner pour qu’il puisse vivre une vie normale. Une nouvelle vie remplie de défis et de réadaptation commençait pour nous.

Notre retour à la maison s’est bien déroulé. Notre petit miracle dormait de belles nuits entre 6h et 8h sans boire. Ce qui nous permettait de nous reposer et de nous adapter à notre nouvelle vie de parents. L’allaitement était vraiment difficile. Comme Justin avait été gavé et nourrit au biberon, il ne voulait rien savoir de boire au sein. Lorsqu’il était hospitalisé, je devais tirer mon lait afin que sur l’unité, ils puissent rajouter quelque chose pour son hypoglycémie. (Eh oui, parce qu’il a fait de l’hypoglycémie aussi !!!) Je tirais donc mon lait tous les 3h et je l’apportais dans les contenants étiquetés à son nom. Du lait, je n’en ai jamais manqué. J’en produisais beaucoup plus que mon fils ne pouvait en boire. Bref, une nuit j’étais encore assise dans mon lit à essayer d’allaiter Justin. J’étais en train de pleurer au-dessus de lui, parce que je voulais allaiter à tout prix. Ça me faisait tellement de peine. J’avais l’impression d’échouer encore une fois. C’est à ce moment-là que mon homme se réveille et me regarde. Il voit bien que j’essaie, mais que Justin ne veut simplement rien savoir.

Il me dit : « Là, c’est assez. Tu ne vas pas t’épuiser à essayer de l’allaiter si ça ne fonctionne pas. Tu peux continuer à tirer ton lait ou sinon, j’irai acheter du lait en poudre. Tu n’es pas une mauvaise mère pour autant.»

Mon conjoint avait tellement raison. Justin avait besoin d’une maman qui aurait toutes ses capacités pour l’aider à évoluer le plus normalement possible. Et honnêtement, il n’y a rien de grave à ne pas allaiter. Il y a plusieurs d’alternatives. Le principal, c’est que notre enfant soit nourri. On n’est pas une mauvaise mère parce qu’on choisit de donner du lait de formule à notre bébé. On doit faire avec nos choix et les respecter.

Notre quotidien était comme toutes les autres nouvelles familles. C’est-à-dire remplis de nuits courtes, de lavages, de vaisselles qui s’accumulent sur le comptoir. Elles étaient aussi remplies par les sourires, les marches en poussette, la fierté de présenter notre fils à notre entourage. Je cherchais des moyens de stimuler Justin constamment. Nous avons fait des cours de piscine à partir de ses 3 mois de vie. Il adorait la piscine et moi aussi. Nous attendions, chaque semaine, le cours avec impatience. Je crois sincèrement que ces nombreuses séances lui ont permis d’avoir la mobilité qu’il a aujourd’hui. Je ne sais vraiment ce qui serait arrivé sans ça.

Pour des raisons liées au travail de mon conjoint, nous avons dû déménager dans une autre région loin de nos familles et nos amis. Ça n’a pas été facile, mais c’était la meilleure décision pour notre famille. Nous avons aussi pris la décision que je reste à la maison avec Justin. J’étais ravie, car je pouvais me concentrer sur lui et à son développement. Plus les années ont avancé, plus les difficultés de Justin faisaient surface. Le langage tardait à arriver. Il avait aussi des petites difficultés au niveau moteur. Nous avons été mis sur les listes d’attentes du CLSC de ma région pour une évaluation en orthophonie et en ergothérapie. Le seul point positif du diagnostic de Justin, c’est que son cas était une priorité. Malgré tout, l’attente a été longue.

Nous avons inscrit notre petit homme à une activité culturelle avec ma ville. C’était vraiment difficile de voir ses difficultés ressortir autant avec d’autres enfants. On ne peut s’empêcher le comparer notre enfant aux autres, c’est humain. Je ne sais pas pourquoi je l’ai fait. Ça m’a fait tellement mal… J’aurais dû le comparer à lui-même. Il est rentré dans le système quelque temps après ses 3 ans. Nous avions plusieurs rendez-vous par semaine. Justin a été évalué et remis sur une autre liste d’attente, celle du centre de réadaptation. Ses défis auraient besoin de plus que quelques sessions pour être réglés. Heureusement pour nous l’appel s’est fait 6mois plus tard. Nous avons continué nos rencontres à raison de deux fois semaine.

Nous voilà maintenant, 3 ans après le début de notre processus de réadaptation et on commence à voir la lumière au bout de ce tunnel. La fin d’épisode de service pour Justin arrive tranquillement. Il est maintenant en première année et il adore ça. Il a fait la maternelle 4 ans et une partie de sa maternelle 5 ans. (COVID oblige) Il est toujours suivi en orthophonie et en ergothérapie. Il est suivi à l’école aussi par une équipe qui le connaisse depuis la maternelle 4 ans. L’avenir rayonne pour mon fils. Il accomplira de grandes choses j’en suis certaine. Je lui fais confiance pour qu’il continue à m’épater encore comme il le fait tous les jours.

Je vous souhaite sincèrement que tous vos enfants soient et restent en santé,

Avec amour, Catherine

Une réflexion sur “Mon enfant qui a fait un AVC

  1. Je peux dire que j’aurai pu écrire ce texte. Mon fils est né le 26 juin 2014. J’avais aussi 20 ans.. Et à sa naissance, qui a été très difficile (forcep, ventouse), nous avons su le lendemain que mon beau Liam avait fait un AVC… lui avait le bras droit qui shakait comme si il avait le hocket… tout ce que tu as vecu, je l’ai vécu aussi… maintenant Liam aussi est en 1er année. Je suis maman poule avec lui, mais il est très bien suivi et il m’épatte chaque jour!

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